samedi 23 mai 2009

Un aveu de bonheur


Il fouille une nouvelle fois dans la poche de son pardessus en extrait une cigarette. Il est tard. Des heures qu’il erre boulevard Saint-Germain. Il est amoureux de la prochaine femme de sa vie. Il ne la connaît pas mais il l’aime passionnément. De tout son être de toute son âme. Il est épris du vouvoiement des débuts, des yeux, du corps à découvrir. Il esquisse un sourire et continue de marcher comme incapable de rentrer.
Béatrice dort probablement en travers de leur grand lit du Quai des Grands-Augustins. Elle a du l’attendre, s’angoisser puis se résigner, simulant le sommeil pour ne pas affronter son regard, sa vérité. Il ne l’aime plus, il est déjà ailleurs. Parti vers une nouvelle passion, un nouvel élan.
Il rentre enfin. Elle ne montrera pas son inquiétude. Il remonte le drap sur son corps offert. Sereinement, tendrement il écoute son souffle. Sa vie est ainsi faite. Ne pas s’attarder. Partir avant, aux moments des projets, des envies à deux. Ne rien promettre. Aucun compromis. Garder intacte la passion.

Il reste là. Silencieux. Près du lit, leur lit. Elle ne bouge pas. Son cœur bat fort, vite.
Il est pâle, creusé par l’insomnie, les fêtes, les excès, une vie remplie de femmes, de whisky et de cigarettes. Vieux et fatigué. Pense-t-il déjà à cette autre qui le prendra à elle, lui volera son amour pour souffrir à son tour.
Il va à la fenêtre. Allume une cigarette. Paris est beau dans la pâleur du matin. Il aime cet appartement, leur appartement qu’il lui faut abandonner. La journée va être douce, chaude, les terrasses remplies. Une nouvelle vie s’offre à lui. Il est envahit par un désir violent, inconnu. Il la regarde. Il n’a plus envie d’elle. Les nuits blanches ne lui vont pas. Elle parait vieille, usée. Il a besoin de nouveauté, de jeunesse. D’étourdissements. De liberté.

Elle croise son regard. Il n’est pas beau, mais il a ce je ne sais quoi qui fait craquer les femmes… un sourire, un geste et elles le désirent, l’aiment, le détestent. Il est de ces hommes caméléons qui se transforment et s’adaptent pour plaire, posséder. De ceux qui vous choisissent d’un regard.
Il rit. Un rire triomphant. Elle lève son visage vers lui, découvre son expression, véritable aveu de bonheur.
- Pourquoi ris-tu ? Sa voix est sèche, dure.
- Je suis heureux.
Il pense à demain. Il a l’âme d’un collectionneur de jeunesse, de beauté, un amoureux éternel et à perpétuité. Il a 20 ans. Il est audacieux. Il éprouve du plaisir à la faire souffrir. La souffrance ne fait-elle pas partie de l’amour, de la passion.
Alors, il ne lui ment pas, il est heureux au moment de la quitter. Il ouvre la fenêtre et respire. Béatrice frissonne. Il referme et vient s’asseoir au pied du lit. Elle a les larmes aux yeux et cet avilissement détestable dans le regard. Elle se sent humiliée, trahie, trompée. Il ne va rien dire, juste la regarder une dernière fois. Lui faire une scène le ferait partir encore plus vite. Elle n’aurait pas du bouger, elle aurait du continuer de feindre le sommeil. Oh comme elle hait ce silence qu’il lui oppose et qui lui donne le pouvoir, le contrôle.
Se détacher sans bruit. Continuer sans regret. Recommencer éternellement avec une autre sans se retourner.
Un enfant chéri que l’on protège, a qui l’on trouve des excuses, que l’on ne blâme, ne gronde jamais.
Elle se lève doucement et se dirige vers la cuisine.
Il la regarde et n’éprouve rien. Elle le fatigue. Il voudrait dormir, fermer les yeux et les rouvrir ailleurs, dans d’autres bras, dans un lit inconnu, un nouveau lieu à aimer, à s’approprier. Il est lâche. Il aimerait partir maintenant. Elle a besoin de lui, elle l’aime mais il ne l’aime plus.
Cette même scène rejouée sans cesse quand il quitte une femme. Il se sent vidé, brusquement. Exténué.

Elle revient. Lui propose un café. Son visage est crispé par la tristesse et la rancœur. Elle est laide de douleur et d’amertume. Elle se dirige vers le lit, espérant qu’il la rejoigne, qu’il la prenne encore une fois. Une dernière fois. Il ne fait pas un geste. Elle ne suppliera pas. Colère silencieuse. Elle enfouit son visage dans les draps et l’écoute se lever, prendre son vieux pardessus. Elle devine qu’il relève son col comme à son habitude, prend une cigarette mais ne l’allume pas. Il part, ne se retourne pas.

- Un jour tu ne m’aimeras plus. Tu m’oublieras.
- Je sais.

3 commentaires:

Hazel a dit…

Bonjour, tu nous a contactés pour une éventuelle participation au Hangar et tu as dit que tu avais un souci pour nous contacter. EH bien ce formulaire ne marche-t-il pas pour nous contacter : http://le-hangar.cowblog.fr/contact.html ?

Hazel, du Hangar.

Hazel a dit…

Bonsoir,

Le Hangar (notre blog littéraire) organise un CONCOURS, avec un lot à la clef. Il suffit de nous envoyer via le blog (ou à cette adresse : http://le-hangar.cowblog.fr/contact.html ) votre œuvre, qui peut être une poésie, une courte nouvelle ou un passage de théâtre sans (trop) dépasser les trente lignes; vous avez jusqu’au jeudi 18 juin. Cependant il y a un thème obligatoire: le CORPS. Il est possible d’exploiter tous les sens du mot. A vous de faire preuve d’imagination.
Le samedi 20 juin, seront publiés dans un article sur le blog les cinq meilleurs textes choisis par notre jury, et à partir de cette date les lecteurs du Hangar pourront voter pour le texte qu’ils préfèrent jusqu’au 4 juillet minuit. Les résultats seront connus le 5 juillet, et le gagnant recevra un prix : un livre de Franz KAFKA - Lettres à Milena.

Nous espérons te voir participer, tu as jusqu’au 18 juin pour nous faire parvenir ton texte sur « le CORPS ».

A bientôt, sur le Hangar, http://le-hangar.cowblog.fr

Hazel.

Suzanne a dit…

Bonjour Mamzelle S.,
je cherche à vous joindre à propos d'une opération organisée par le site www.Chez-les-filles.com et une maison d'édition parisienne, pourriez-vous m'écrire à mon adresse suzanne@chez-les-filles.com ?
Cordialement, Suzanne