lundi 6 octobre 2008

Monologue avec lui (Partie 2)

(...)

Elle prend un bain. Elle prend son temps. Elle est une femme qui se prépare pour un rendez vous amoureux. Leur rendez vous. C’est réconfortant. Elle passe du temps à se faire belle pour lui. Comme aux premiers temps. Elle aime ce moment, rien qu’à elle, pour lui. Prendre soin de ce corps qu’elle a tant maltraité, le rendre désirable. Elle ne s’aime plus. Est-ce du dégoût. Son regard sur elle lui renvoie une image qu’elle déteste. Son reflet dans le miroir la dégoûte. Elle a grossi. Elle se sent moche, vieille, abîmée, usée. Elle a si mal. Se plaire à soi pour plaire aux autres. Elle déclare forfait. Et si facilement, elle renonce. 

Vernir ses ongles de pieds. 

A quel moment a-t-elle arrêté de prendre soin d’elle pour ne plus s’occuper que de lui ? Satisfaire la moindre de ses envies, devancer ses désirs… Travailler à le rendre heureux aux dépends de son propre bonheur. 
Elle est jolie pourtant, charmante, élégante. Elle plaît. Elle est de cette beauté fragile qu’un homme ne veut pas abîmer. Est-ce pour ça qu’il ne la regarde plus ? Ne pas croiser ces yeux si doux, si verts. Ses grands yeux tristes qui le jugent, l’interrogent en silence. Elle l’aime, il ne peut lui faire face. 

Elle doit oublier ce message. - Délicieux… très très envie de toi… - elle souffre. Ça lui apprendra à fouiller dans ses affaires. 
Oh, elle n’en est pas fière mais ne peut se l’expliquer. Elle était comme en transe. Savoir, connaître la vérité pour l’affronter. Mettre une réalité sur les doutes qui l’assaillaient. Pourquoi se réveille-t-on un matin avec la certitude qu’il se passe quelque chose. Cette sensation perfide de mensonge qui vous transforme en femme jalouse et soupçonneuse. Un sentiment qui donne envie de laisser éclater une colère inconnue, de provoquer des disputes qui lui donnent encore plus envie de la fuir et de lui mentir et qui la laisse encore plus seule avec le silence et les interrogations. 
Un véritable cercle vicieux. 
« Depuis quand leur histoire dure-t-elle ? Comment a-t-il pu céder si facilement… ». Elle comprend mieux son visage fermé, si pâle. La peur de se trahir, de faire du mal. Les remords, la culpabilité, la honte sûrement. 
Elle n’a pourtant pas été surprise. Elle le savait elle le sentait. C’est pour ça qu’elle les voulait ces trois jours ensemble. Pour se retrouver.

L’a-t-elle à ce point fait souffrir qu’il veuille donner son cœur à la première venue. A cette autre ? 

Son amour lui manque. Elle est nostalgique de la tranquillité de leur rencontre, de leurs premiers moments. Est-ce de l’orgueil ou de la vanité ? Est-elle à ce point naïve de croire que tout peut recommencer, que tout se recolle, se répare.
Elle se remémore ses mots si doux quand il avait encore peur de la perdre. Il se sentait si maladroit, - à l’affût de chaque signe (me) laissant penser que nous nous rapprochons, que nous nous comprenons (…) -. Il écrivait de si jolies choses. Il aimait lui dire : Je t’apprends comme je te vis - et elle, elle baissait les armes. Elle tombait amoureuse. 

« Aimons nous ou séparons nous. Oh comme cette pensée fait souffrir mon cœur. » Il faudrait se dire adieu et elle ne peut s’y résoudre. Elle l’aime. Il est son tout. Son bien aimé. Elle voudrait trouver la force de se battre, encore. Lutter pour son amour. Ne pas renoncer si facilement. Trouver les mots justes. Ceux qui le feront rester près d’elle. S’abandonner de nouveau. 

Ils se sont aimés au premier instant. Au premier regard. L’ont-ils déjà oublié. Suffit-il de se demander pardon. Elle est blessée, offensée et pourtant elle lui pardonne. 
Tous ces sentiments contradictoires l’effrayent. « Qu’attend il de moi ? Que je parte ? Que je le retienne ? Que je me batte ? » Espérer ou renoncer ? Lui rendre cette liberté qu’il aime tant. Lui rendre cet amour qu’il ira offrir à cette autre ? 

Elle ne peut prendre une telle décision. « Prends la pour moi mon bel amour. » 
Si il lui revient. Seront-ils heureux ? Encore. Auront ils cette chance ? Sauront ils la saisir… ?Oui, elle le lui promet. 
C’est la promesse d’une femme sincère, amoureuse. Elle est enfin apaisée. 

N’est-ce qu’une chimère ? Peu importe elle aime cette illusion. C’est une jolie pensée. Ça la réchauffe. 

Elle repense à cette phrase : « Le destin ne pardonne pas ». 

Faut-il se résoudre ? Est-ce la fatalité ? 
Toutes ces larmes qu’elle verse en silence. C’est son secret. Ses yeux la brûlent souvent. Mais elle cache son chagrin et son désarroi. Elle ne peut se résoudre à abandonner la partie, à afficher sa faiblesse. Est-il dupe ?
« Je ne veux que ton bonheur. Tu ne veux que ton bonheur. » Ce point les unit. Quel désenchantement… Mais elle ne pleure pas. Jamais. Elle ne peut verser la moindre larme. Elle ne cède pas à cette nostalgie, à cette torpeur qui l’envahit depuis des jours. 

Si il voulait seulement faire l’effort de se souvenir de leur premier baiser. De cette évidence lorsqu’ils se sont rencontrés. De ces frissons. Cette attente avant de se revoir, elle partait à Lyon, lui en Autriche. « Te souviens-tu mon amour, ta petite voiture rouge… ».
Ne plus se réfugier dans le passé. Etre belle, ravissante, drôle, frivole. Ne pas mettre du noir. Une couleur vive. Une couleur de bonheur. Gaie. 
Est elle en deuil ou à l’agonie ? 
Elle ne veut pourtant pas être de ces femmes qui attendent le retour de leur homme parti on ne sait où. Ce noir, cette peine. Cette médiocrité. Son amour est mort. Elle est veuve mais elle essayera désormais d’être joyeuse.
« Du rose sera parfait. » 

L’aimer c’est ce qu’elle sait faire de mieux dans la vie et cela ne la rassure pas. Au contraire. Est-elle devenue si plaintive. Ennuyeuse. Dépendante. 
Elle se sent comme le témoin passif de sa propre vie. Elle se regarde vivre plus qu’elle ne vit. Prendre le temps. Se laisser le temps. 
Arrêter de rêver l’avenir pour le vivre, enfin. Ensemble. 

Il rentre enfin. Son amoureux. Il est beau. Il lui sourit, l’embrasse. Elle rayonne. 
Ses yeux brillent. Elle se sent attirante, exquise, conquise. Il est là, face à elle. Elle trinque secrètement à eux, à leur bonheur. Il ne dit rien. Elle connaît ce regard, elle comprend ce silence. Elle sait. Pas besoin de mot. Son esprit bouillonne de nouveau. Ne pas poser de question. Les pensées se bousculent dans sa tête : « Oh je t’en prie ne dis rien. Ne gâche pas cette journée. Notre journée. Elle est à nous. L’Autre ne nous la volera pas. Elle a déjà tout pris. Pas ce soir, pas maintenant. Attendons demain. Tu m’as tellement manqué…». Elle a deviné, elle ne dit rien. 
Elle regarde ses pieds aux ongles vernis. Ce fuchsia quelle idée. Elle se trouve ridicule. Tout ceci est une farce, un mauvais rêve… Elle va se réveiller… Surtout, rester digne. Ne rien montrer. Pas de scène, pas d’hystérie. Pas de larme. 
Rester calme, délicieuse, amoureuse, silencieuse… 



La porte se referme. Le silence revient peu à peu, les pas dans le couloir s’éloignent avec lui…

Alors pour la première fois depuis des semaines, elle peut enfin pleurer…